Anastasia Rousseau
Écrire sa biographie, livrer ses souvenirs, mais aussi ses secrets, pour se défaire de ses traumatismes.
Quand les Compagnons Biographes vous assurent que tout le monde a quelque chose à raconter, une vie qui mérite d’être écrite, à tous les âges, ce ne sont pas que des mots. Parfois, écrire sa biographie permet de clore un chapitre de sa vie, d’en ouvrir un nouveau, ou simplement de se soulager d’un poids.
C’était le cas pour Maguy, 85 ans, dont le récit bouleversant, celui d’une femme simple, mais déterminée à briser les tabous de son existence, a trouvé un écho fort chez son biographe.
Un projet réfléchi
Lorsque j’ai rencontré Maguy, je ne pensais pas m’engager dans un projet de cette nature. Maguy avait des motivations profondes, inscrites dans une démarche personnelle, intime, pensée de longue date et réalisée dans le plus grand secret. Derrière la douceur de son regard, et son rire communicatif, il y avait une souffrance et des traumatismes immenses, gravés dans sa mémoire et réduits au silence depuis des décennies. À 85 ans, pour cette vieille dame qui s’était tue toute sa vie, comme on le lui avait appris, il y avait désormais un devoir de vérité.
De femme à femme
Maguy préparait minutieusement nos séances d’enregistrement. Elle m’attendait, impatiente et anxieuse, relisait attentivement les transcriptions précédentes, soulignant avec insistance toutes les phrases qui la touchaient et l’ébranlaient. C’était pourtant son histoire, ses souvenirs, que j’avais retranscrits avec les émotions qui étaient les siennes, et mon regard de femme. Une vie de combat comme elle l’appelait, les souffrances d’une femme, livrée à une autre génération, comportent une dimension universelle et intemporelle, qui ne peut laisser indifférent. Il y a une Maguy en chacune de nous.
Le poids du silence
Écrire son histoire personnelle, c’est mettre en lumière la personne qu’on a laissée au fond de soi pour se conformer aux attentes de la société, aux diktats de son éducation, et parfois pour rester debout.
Raconter sa vie, c’est raconter une histoire intérieure, celle qu’on a tue toute son existence. L’histoire de Maguy est celle d’une femme écorchée vive, malmenée par la vie, résiliente, incroyablement forte, qui a gagné sa liberté et s’est affranchie de son milieu et de la violence. En tant que biographe, je suis entrée dans son intimité, plus que n’importe qui. Celle qui disait que notre époque est bien différente et qu’on peut désormais briser les tabous, avait bien raison. Alors que la biographie s’achevait, un énorme poids disparaissait, celui du silence.
Il n’est jamais trop tard.