Pascal Chalopin
L’écriture avait commencé il y a onze ans…
Un manuscrit inachevé, interrompu. Un écrit sur lequel vous êtes bloqué(e). Et si vous appeliez à la rescousse un Compagnon Biographe ? Le cas de figure s’est souvent présenté à moi. Dernier exemple en date : le témoignage de Séverine, Maman boit, moi je trinque.
La genèse
L’écriture avait commencé il y a onze ans. Elle voulait la reprendre. Nous nous connaissions un peu, ce qui pour autant n’était pas un gage de collaboration plus efficace. Confiante, Séverine m’avait expliqué : « Je me suis arrêtée à la moitié et tout est à retravailler ! C’est organisé… sans l’être de trop. J’ai une vision d’ensemble, mais cela reste confus. Cela se bouscule dans ma tête ». Voilà pour l’état des lieux, somme toute ordinaire quand on écrit un livre autobiographique, d’autant plus que le projet est ambitieux : « livrer » à ses enfants son parcours de vie dans le menu détail – et pour la première fois –, sans verser dans le pathos ; se « délivrer » par-là même d’une carapace forgée dans la douleur et la peur.
L’histoire
Depuis sa plus tendre (…) enfance, Séverine a subi l’alcoolisme maternel et la violence domestique qui va de pair. Elle grandit tant bien que mal, entre les chutes, les accidents, les pompiers, l’hôpital, les établissements psychiatriques où sa mère est envoyée à maintes reprises. Adulte avant l’heure. Forcément. Femme puissante et fragile à la fois. Et un jour le corps lâche. Crises d’angoisse. Phobies. Il faut panser les blessures du passé.
La méthode
Sur la méthode, nous étions convenus que jamais elle ne se sente dessaisie de son récit. Je devais l’aider à organiser ses idées, à structurer son histoire, pour lui permettre, disait-elle, « de dérouler les choses plus tranquillement ». Séverine voulait du cadre, mais « entendre également si [elle était] bien (re)partie ou pas ». Conseils. Encouragements. J’avais toute latitude cependant pour tirer sur le fil de la pelote, lui faire des propositions et réciproquement. L’enrichissement de son livre s’est opéré ainsi. Nous avons échangé de vive voix trois ou quatre fois. Les aller-retour de fichiers ont été plus nombreux. Et le « remue-méninges » chez l’un et l’autre, un an et demi durant, incessant…
« J’ai voulu ce récit comme le dernier outil de ma guérison » écrira Séverine dans l’avant-propos. Je me défends bien d’être thérapeute, mais l’accompagnement sur le chemin des mots (sic) a pris tout son sens. Maman boit, moi je trinque a été édité et, surtout, son auteur a recouvré sa liberté. Presque pardonné.