Françoise Arvault
Lire et écrire des « biographies de l’espoir »
Avant d’être biographe, je lisais toutes sortes d’autobiographies. Si j’en lis encore souvent aujourd’hui, c’est avec un autre regard, car toute nouvelle lecture ranime des souvenirs de récits qui m’ont été confiés. Bien que tous singuliers, ceux-ci s’enracinent toujours dans un contexte historique et sociétal, qui jette des passerelles entre lecture et écriture.
Des derniers « grands témoins » aux fractures contemporaines
Dans la grande famille des écrits autobiographiques des dernières décennies, nous avons vu se succéder de nombreux témoignages inscrits dans les tragédies du XXe siècle avec tout un vocabulaire lié à leur cortège d’atrocités : combats meurtriers, mutilation, déportation, torture, génocide, exil forcé, etc. Puis sont arrivés les récits portant sur des épreuves de l’intime : handicap, deuil, homosexualité, inceste, viol, harcèlement, maladies (stigmatisantes, rares, dégénératives), parcours de soin, etc.
Une forme de micro-histoire
Quelle que soit la nature du témoignage, le but de sa mise en valeur est toujours le même. Au cours de ce travail de construction narrative qui est celui du biographe, il m’arrive ainsi souvent de penser à Natalie Zemon Davis, historienne américano-canadienne née en 1928 et décédée le 21 octobre 2023, qui définissait ainsi son métier : « Je veux montrer que même quand les temps sont très difficiles, les hommes et les femmes ont trouvé le moyen d’affronter ce qui arrivait et peut-être de résister. Je veux que les hommes et les femmes d’aujourd’hui puissent établir un lien avec le passé en considérant les tragédies et les souffrances, les cruautés et les haines, mais aussi les espérances, l’amour, la beauté des êtres disparus. Ils cherchaient à établir leur pouvoir sur les autres mais, aussi, ils s’entraidaient […] Je suis intéressée par les failles et les fractures qui ébranlent les sociétés et qui obligent à changer les choses. Je veux être une historienne de l’espoir. »
Qu’est-ce que la « micro-histoire » ?
Photo : Allée du parc de Sceaux