Anne-France Chartois


Anne-France Chartois

Raconter pour avancer

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Après la disparition d’un être cher, parler de lui, évoquer notre vie avec lui, dire qui il était vraiment et transmettre nos souvenirs de lui à nos proches permet d’adoucir le chagrin du deuil.

Dire le deuil

Lorsque je rencontre Yvonne pour la première fois, je suis frappée par son visage sombre et sa voix rauque : « Voilà, j’ai perdu mon mari il y a juste un an. Il a eu une crise cardiaque en se baignant alors qu’on était en vacances… C’était très brutal. On ne se quittait jamais, parce qu’on travaillait ensemble dans un magasin. On ne s’est pas dit adieu. J’ai du mal à m’en remettre… Il m’est impossible de regarder les photos de lui qui sont dans mon ordinateur. Mais j’ai quand même envie de parler de leur grand-père à mes petits-enfants… »

Je sens une certaine attente chez Yvonne devant ce projet biographique : oui, écrire sa vie, mettre les événements noir sur blanc lui apporterait de l’apaisement. Nous prenons rendez-vous.

Le plaisir de raconter

Yvonne commence par raconter son enfance bretonne. Son regard s’anime en évoquant des souvenirs cocasses. Au deuxième entretien, c’est la rencontre improbable avec celui qui deviendra son mari qui occupe tout le temps de parole. Il y en a des choses à dire ! Elle s’attarde sur le tempérament particulièrement débrouillard de son fiancé. Elle donne des précisions sur sa belle-famille. Je sens Yvonne lancée dans son sujet. Aux rendez-vous suivants, elle m’attend avec impatience, elle a noté quelques mots et quelques dates pour ne pas oublier son propos. Elle a fait lire les deux premiers chapitres à sa fille. En évoquant la longue carrière professionnelle menée à deux, le sourire revient sur le visage d’Yvonne : ils s’entendaient comme les deux doigts de la main, et avaient le même sens du commerce. L’affaire tournait bien. D’ailleurs, quand Yvonne a pris sa retraite, son mari a arrêté aussi, parce qu’ils ne pouvaient concevoir de ne plus être ensemble au magasin. Ensuite vint le temps des voyages.

Le livre de leur vie en mains

Un an plus tard, lorsque j’apporte à Yvonne les exemplaires de son livre, elle feuillette les pages avec émotion. Il est illustré. Outre des photos d’enfance, figurent aussi certains clichés récents contenus dans l’ordinateur. Songeuse, elle conclut : « En regardant notre livre, je constate que j’ai avancé dans mon chemin de deuil. Et je découvre que j’ai vécu beaucoup plus de moments heureux que je ne pensais. Je suis contente de pouvoir le dire à mes petits-enfants. Finalement, la vie est belle ! »